Apprenti Maçon - 1er Grade

Apprenti Maçon - 1er Grade

Portrait du Maçon, .....

Portrait du Maçon, dressé à l’issue d’une réception d’Apprenti[1]

 

 

                                   Frère nouvellement initié,

 

            Votre mérite, votre courage, vous ont ouvert les portes de ce temple, où vous n’apercevez que des hommes de bien, qui vont vous aimer, vous chérir, et solliciter pour vous l’amour de tous leurs frères. […]

 

            Mais qu’est-ce que la maçonnerie, demandez-vous ? […] Je vais essayer, très cher Frère, de satisfaire une si juste curiosité. […]

 

            Dès qu’il y a eu des êtres souffrants, il y a eu des maçons pour les soulager ; dès qu’il y a eu des hommes injustes, il y a eu des maçons pour réparer les torts ; dès qu’il y a eu des fourbes, des oppresseurs, il y a eu des maçons pour les combattre et diminuer les maux dont ils désolaient la terre.

 

            En effet qu’est ce qu’un maçon ? Le zélateur de la justice : c’est une espèce de chevalier de l’humanité, de conservateur du feu sacré de la vertu. […] Je dis que la maçonnerie a commencé là où il y a eu un homme persécuté, là où s’est trouvé un homme qui a eu faim, qui a été dépouillé, qui a eu besoin du secours de ses frères. […]

 

            Le but de la maçonnerie est donc de rendre les hommes meilleurs : mais quels sont ses moyens d’y parvenir ?

 

            Ses moyens sont de dissiper les ténèbres de l’ignorance, de faire naître toutes les vertus qui découlent de l’instruction et de l’amour de ses semblables.

 

            Décrirai-je les résultat de l’ignorance ? Non, ce serait entreprendre l’histoire des malheurs du monde : ce serait retracer les effets du mensonge, de l’hypocrisie, de toutes les espèces de tyrannies ; et j’en ai assez dit pour ceux qui ont pu m’entendre.

 

            Décrirai-je le plaisir et le bonheur qui naissent de la pratique des vertus, de la bonté, de la sagesse, de la charité, de la fraternité ? Interrogez votre propre cœur, il vous en dira plus que ma faible voix.

 

            Oui, mon frère, substituer les connaissances solides à l’ignorance et aux préjugés, apprendre à s’aimer, à se secourir mutuellement, voilà l’œuvre que se proposent les maçons ; telle est la doctrine qu’ils enseignent et qu’ils pratiquent. C’est par ce moyen que la pierre brute se polit dans leurs mains, et devient ornement de l’édifice social.

 

            Le nom de frère a frappé vos oreilles. C’est le doux nom dont s’appellent les maçons, c’est de ce nom que s’appelèrent, sans doute, les premiers hommes, avant que les distinctions, les richesses et l’orgueil les eussent séparés. […]

 

            Les maçons ont eu leurs persécuteurs et ils en ont encore aujourd’hui. Prier le Dieu de vérité d’éclairer leurs ennemis, voilà leur manière de répondre aux coups dirigés contre eux ; et grâce au Dieu de lumière, il est devenu impossible désormais d’éteindre la maçonnerie. […]

 

            N’oubliez jamais les choses qui vous ont été dites, et pour les graver en peu de mots dans votre mémoire, retenez que l’origine de la maçonnerie date du premier jour où il y a eu des malheureux, c’est à dire du commencement du monde.

 

Souvenez-vous que son culte est Dieu et la vertu ;

            Que ses dogmes sont le silence et le courage ;

            Ses mystères, la lumière et la raison ;

            Ses préceptes, la charité, l’humanité ;

Ses ministres, tous les hommes vertueux ;

            Et ses récompenses enfin, l’estime de soi, et l’amour de tous les frères.

 

 

Du fonctionnement de la Loge[2]

 

 

            Du rôle des Orateurs de Loge, ou le ministère de la parole :

 

            C’est à eux qu’il appartient de faire comprendre la force, et en même temps la douceur du lien qui unit la maçonnerie ; c’est à eux d’expliquer la puissance merveilleuse de cette institution, dont les principes portent les hommes à se rapprocher, et leur font trouver tant de plaisir à être ensemble ; c’est à eux de vous montrer la science épurant le cœur, éclairant l’esprit, élevant l’homme au-dessus de lui-même, lui faisant aimer son semblable ; c’est à eux enfin de vous la peindre resserrant toutes les affections sociales, et contribuant, avec les diverses institutions civiles, au bonheur générale.

 

            Du travail et de la composition des Loges :

 

            Nous nous abusons, mes frères, si nous croyons être maçons parce que nous assistons au spectacle d’une initiation, ou parce que nous partageons les délices d’un banquet. Comme toutes les autres sciences, la maçonnerie se divise en plusieurs parties, qui sont classées par rang de difficultés et d’importance. Chaque grade, offrant des connaissances nouvelles, devient la récompense des travaux que l’on a faits dans celui qui le précède ; tout dans cette science, d’une morale sublime, est coordonné de manière à piquer la curiosité, à exciter l’émulation et à augmenter les lumières de l’homme qui s’y livre. […]

 

            Rendons-nous dignes de l’attention des hommes véritablement instruits. La société civile a, dans son sein, des hommes remplis de lumière, distingués par leurs rangs et leurs qualités, essentiellement vertueux, et maçons par inclination ; il ne leur manque que la régularité ; ils recherchent la solitude, la paix, les douceurs de l’amitié et les occasions de répandre des bienfaits ; tâchons d’attirer leurs regards par nos mœurs, nos lumières et surtout par ce dévouement fraternel dont l’homme a besoin à chaque instant ; nous le pouvons, nous n’avons qu’à le vouloir : choisissons-nous bien, ne soyons que sept, s’il le faut mais soyons sept frères, et notre loge sera parfaite.

 

            Fuyons surtout ces ateliers où la voix de l’humanité sort de la bouche de l’Orateur, sans pénétrer le cœur des assistants, où la caisse de l’hospitalier est sans fonds et l’hospitalier lui-même sans fonction.

 

            De la protection de l’institution :

 

            Si nous voulons travailler à la propagation de l’ordre ; si nous voulons remplir les engagements que nous avons contractés comme maçons ; si, enfin, nous avons à cœur de posséder une science qui renferme les éléments du bonheur, commençons par repousser au loin ces prétendus maçons qui, se dérobant aux regards de leurs frères et à la surveillance du Grand Orient, font, dans les lieux profanes ou même dans les temples consacrés, un trafic honteux de la maçonnerie.

           

            Repoussons également ceux qui s’insinuent dans les ateliers pour le vil motif de l’intérêt ou par des spéculations mercantiles, ou qui ne voient dans la maçonnerie que le moyen de satisfaire des goûts matériels.

 

            N’imitons pas ces ateliers qui, mus par le désir de répandre plus de charme sur leurs travaux, transforment les temples en cabinets de lecture, ou en salons de politique, ou en bureau de commerce. […]

 

            Livrons-nous à des travaux sérieux ; propageons cette institution qui travaille au bonheur de l’homme, qui s’allie sans peine avec toutes les opinions, qui est de tous les temps, de tous les pays, de toutes les conditions, cette institution qui fait du monde entier un seul peuple de frères, qui cache avec sincérité le bienfait qu’elle fait et qui ne s’ingère en rien des affaires civiles ; cette institution enfin qui ne coûta jamais de larmes à l’humanité, qui prend l’union et la vérité pour dogmes, la bienfaisance et la vertu pour morale.

 

 

Grande première de l’initiation féminine,

la réception de Madame de Xaintrailles[3]

 

            Femme du général de ce nom, Madame de Xaintrailles fut son aide de camp et mérita que le premier consul Bonaparte la maintint dans les fonctions de son grade et lui donnât un brevet de chef d’escadron. Elle avait droit à ces distinctions extraordinaire pour son sexe par quelques faits d’armes remarquables et par plusieurs traits d’humanité.

 

            Voici son histoire maçonnique. La loge des Artistes, présidée par le frère Cuvelier, annonce une tenue d’adoption destinée aux dames maçonnes : l’usage est que les frères, avant d’ouvrir les barrières du jardin d’Eden, se réunissent en travaux d’hommes. Madame de Xaintrailles, convoquée pour la loge d’adoption où elle devait être initiée comme femme, arrive à la loge à l’heure militaire, c’est à dire à l’heure fixée par la lettre de convocation. Les frères commençaient à peine leurs travaux maçonniques. On informe le Vénérable de la présence, dans les Pas-Perdus, d’un officier supérieur en grand costume militaire. Le Vénérable lui fait demander s’il est porteur d’un diplôme. L’officier supérieur ne soupçonne pas que par cette pièce on entend un acte qui constate sa qualité de maçon, remet son brevet d’aide de camp ; le frère expert le porte sans l’examiner au Vénérable qui en donne lecture à la loge ; l’étonnement est général. Le Vénérable, ancien militaire, auteur dramatique, maçon enthousiaste, est inspiré par cet incident ; il propose à la loge d’admettre cette héroïne dont il a plusieurs fois entendu parler avec éloge, non au premier grade maçonnique des dames mais au premier de nos grades comme franc-maçon, faisant remarquer que si le premier consul a trouvé dans la conduite guerrière de Madame de Xaintrailles des motifs suffisants pour autoriser la simulation de son sexe, la loge ne pourra être blâmée d’imiter le chef du gouvernement en transgressant, en faveur de cette dame, nos lois et nos usages. La discussion est vive ; le pour et le contre sont soutenus avec une égale ardeur. Un improvisation nouvelle et pleine d’éloquence du Vénérable décide la question, et la loge se charge de justifier par de puissants motifs près du Grand Orient l’innovation inouïe qu’elle se permet dans cette circonstance. Des commissaires sages et prudents vont annoncer à Madame de Xaintrailles la haute faveur dont elle est l’objet, et la préparer à l’initiation des maçons, si elle accepte : «  Je suis homme pour mon pays, dit-elle, je serai homme pour mes frères. » Elle se soumet aux épreuves que l’on modifie autant que les convenances l’exigent, et on la proclame Apprenti Maçon. Une demi-heure après les barrières du jardin d’Eden sont ouvertes et Madame de Xaintrailles, annoncée officiellement dans sa qualité maçonnique, siège sur les bancs au rang des hommes.



[1] Extrait d’un discours d’Orateur pour la réception d’un nouvel Apprenti à la R.L. Les Trinosophes. Précis historique de l’Ordre de la Franc-Maçonnerie, tome II, Jean-Claude Bésuchet, 1829, bibliothèque de la GLNF.

[2] Discours prononcé dans la loge des arts et de l’amitié, par son vénérable le frère Nicollet, Bésuchet, op cité, tome II, choix de discours.

[3] Bésuchet, op. cité, tome II, biographie.



12/12/2011

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